Dimanche 8 novembre 2020
32e dimanche du temps ordinaire
Confinement II – 10e jour

Les dix vierges,
Codex Purpureus Rossenensis
V siècle

Sur Mt 25, 1-13

À mesure que nous nous acheminons vers la fin de l’année liturgique avec la fête du Christ Roi (dans quinze jours), les textes de la liturgie dominicale se font plus apocalyptiques ! Quelle étrange sensation cette année, dans le contexte pandémique qui égraine chaque jour ses taux de contagion, de réanimations et de morts, de ne pas pouvoir s’empêcher de penser que le monde va à sa perte, s’achemine plus vite que prévu vers sa fin.

La parabole des « 10 vierges qui attendent l’époux » accentue aussi cette tension, en nous remettant dans un état de veille. Qu’attendent ces fiancées ? L’époux qui vient. Et nous qu’attendons-nous ? Un vaccin providentiel ? Une concession gouvernementale d’une plus grande liberté ? Une fin au mal qui nous frappe ? Des jours meilleurs et plus prospères ? Ou celui qui doit venir nous prendre avec lui dans son Royaume ?

Car c’est bien de cela qu’il est question dans la parabole. Il ne faut pas rater la visite de l’époux. Il faut donc tenir dans la veille. Tenir coûte que coûte. Tenir dans la durée, car il tarde à venir. Et pour tenir, il faut de cette huile à laquelle les jeunes filles sages et prévoyantes peuvent puiser en abondance, alors que les insouciantes s’en trouvent trop vite démunies. Quelle est-elle cette huile si importante pour tenir et veiller ? Saint Séraphim de Sarov, dernier « fou pour le Christ » de l’Église russe, osait dire qu’il s’agit en vérité de l’Esprit saint[1] ! Aux vierges folles de la parabole, il leur manque l’Esprit saint qui doit brûler dans leur cœur et dans leur vie. Elles ont préservé, comme les autres, leur virginité pour leur fiancé ; moralement, il n’y a rien à leur reprocher. Mais, si elles viennent à manquer d’Esprit saint, c’est qu’elles conduisent leur vie en s’appuyant uniquement sur la Loi et non sur la grâce ; sur leurs propres forces et non sur celle de Dieu. Les vierges sages, elles, savent bien que Dieu ne les abandonne pas et leur donne tout ce qu’il faut pour attendre sa venue.

Alors, prenons la parabole au sérieux, et demandons-nous quelle huile emplit les lampes de nos vies. Avons-nous si peux d’Esprit saint que nous doutions que Dieu puisse nous donner sa grâce, son amour et sa force, au plus profond de nos vies confinées ? Même si l’ordinaire de nos vies est bousculé, même si la plupart d’entre-nous ne peut se rassembler pour la célébration de l’eucharistie, même si nous sommes malades, même si nous sommes astreints à domicile, Dieu donnera son Esprit saint à ceux qui le lui demandent (Cf.Lc 11, 13). N’enfermons pas Dieu dans nos pauvres conceptions, au risque d’étouffer l’Esprit saint en nous ! Ne soyons pas ces jeunes filles insouciantes qui ne puisent pas l’amour où il faut. Puisons-le en Dieu pour aimer concrètement et effectivement nos frères et sœurs.

Car si nous avons l’impression que le Monde va vers sa fin, ce qui est certain c’est qu’un certain monde est en train de disparaître. Et c’est pour cela qu’il faut veiller. Car un jour viendra où nous entendrons cette parole libératrice qui nous fera sortir de nos confinements : « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre » (Mt 25, 6) ! Dieu fasse que nous ayons eu suffisamment l’huile de l’Esprit et d’amour pour tous afin qu’il nous trouve avec lui quand il viendra ! Comme l’a si bien dit mon ami Jean-Emmanuel ce matin : « Soyons donc des clusters d’Espérance pour diffuser la lumière du Christ dans la nuit ».

P. Sylvain Brison

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[1] Seraphim de Sarov, Entretien avec Motovilov, Desclée de Brouwer, 1995, p. 158s.