Samedi 11 avril 2020 – Samedi saint après-midi
Confinement I – 26e jour

Arcabas,
Le tombeau sans appel (détail)
Polyptyque Passion et résurrection

— Méditation pour l’après-midi du Samedi saint —


La rumeur ecclésiale murmure que le Samedi saint est le temps du Grand Silence et du Grand vide. De fait, il est le seul véritable jour « a-liturgique ». Mais ce silence est-il si muet que cela ? Ce vide est-il aussi béant qu’il le voudrait ?

Samedi saint, temps du silence. Non parce que Dieu se tait, mais plutôt parce que nous ne l’entendons pas. Dans la nuit du tombeau, le Père crie son amour pour son Fils ; il hurle son amour pour les hommes. Dans la nuit du tombeau, le Christ fracasse les portes de l’enfer. Il exhorte Adam et Ève à sortir de leur torpeur moribonde dans l’acclamation des anges. Les justes chantent leur salut à tue-tête… Mais pour nous, ici et maintenant, rien ne perce nos oreilles sourdes de l’étourdissement du mal et de la souffrance. Notre orgueil et notre peine nous empêchent de percevoir cette faible rumeur qui pourtant enfle peu à peu… Et pourtant, si comme Élie à l’Horeb nous tendions l’oreille du cœur, nous entendrions déjà ce murmure de fin silence qui éclatera toute sa gloire dans l’alléluia pascal.

Samedi saint temps du vide et de l’absence, comme si Dieu s’était retiré du monde. Une béance irréparable dans nos existences comme en laisse la disparition des êtres chers. Mais ce vide n’est pas aussi creux qu’il n’y paraît. Ce jour est plein à craquer de l’amour de Dieu comme le tombeau est plein du corps de Jésus. Ce jour enfle de l’espérance divine qui explose bien au-delà des espoirs humains. Ce jour déborde du désir de nos attentes et de notre soif de la vie. Bientôt, le tombeau ne pourra plus tenir enfermée la puissance salvatrice de Dieu et la force éblouissante de la lumière repoussera la vacuité des ténèbres de la nuit.

Mais pour l’heure nous continuons de vivre dans le silence et dans le manque… Bientôt il fera jour, bientôt il fera fête…