Mardi 8 décembre 2020
Solennité de l’Immaculée Conception
Confinement II – 40e jour

Louis Bréa
L’annonciation 
Église de Lieuche (Alpes-Maritimes)
1499

Responsables dans l’amour


Nous avions déjà célébré la solennité de l’annonciation en confinement ; et l’évangile de l’Annonciation nous donnait des clés pour accueillir et vivre la parole dans la réclusion de nos demeures intimes. Le temps a passé, mais la situation sanitaire nous a conduits à un nouveau confinement ; et aujourd’hui encore, en la solennité de l’Immaculée Conception, l’Évangile de l’Annonciation retentit encore à nos oreilles avec la même puissance de transformation. À presque neuf mois de distance, le contexte a subrepticement changé. Le second confinement ne se vit pas de la même manière que le premier ; il ne pèse pas non plus sur nos épaules avec le même poids. Si le temps que nous vivons nous engage toujours plus à redécouvrir la puissance de la parole dans nos vies, il nous engage à présent à vivre à la hauteur de notre responsabilité d’homme et de femme, de chrétien et de chrétienne.

Dans les récits que la liturgie nous donne d’entendre, tout commence dans le jardin de l’Eden pour s’achever dans la demeure de Nazareth. Lorsque Dieu se promène à la « brise du jour » dans le jardin, il cherche l’homme. Qui pourrait croire que Dieu ne connait pas de lui-même la réponse à sa question « où es-tu ? » (Gn 3,9). Alors pourquoi la pose-t-il si ce n’est pour que l’homme s’en saisisse et réponde « me voici » ? Malheureusement, marqué par le péché de la transgression de la Parole, Adam ne peut plus être à la hauteur de sa responsabilité. Dans l’aveu de sa nudité, il révèle sa culpabilité, mais la rejette aussitôt sur la femme, qui la rejettera à son tour sur le serpent. Un des drames du péché est de nous rejeter en deçà de notre responsabilité : nous cherchons toujours à nous en défausser. Et cela ira de mal en pis : après la sortie d’Eden, Caïn, meurtrier de son propre frère, osera affronter le Seigneur en l’invectivant : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9). Que nous le voulions ou non, notre solidarité dans le péché nous empêche d’être librement responsables de la responsabilité qui échoie à la dignité des fils de Dieu. Quelque part, tous les « me voici » dans la Bible sont autant de tentatives de dire à Dieu cette réponse qu’Adam n’a su lui donner.

Mais aujourd’hui, la fête l’Immaculée Conception, nous redit, dans la visite de l’ange Gabriel à Nazareth qu’une jeune fille a su, elle se tenir à la hauteur de sa responsabilité de femme et de fille de Dieu : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1, 38). Marie incarne, pour nous et notre salut, cette responsabilité à hauteur de son humanité. Sa docilité à la Parole de Dieu permet au Fils éternel de devenir l’un d’entre nous : le nouvel Adam qui nous restaurera dans la dignité des fils de Dieu et qui nous donnera d’être à la hauteur de la responsabilité de l’amour.

En ce temps de confinement, j’aime à croire que cette responsabilité dans l’amour dans laquelle nous avons été établis dans la Pâque du Christ, nous la vivons chaque jour. Dans nos gestes et nos paroles quotidiens, nous devons être à la hauteur de notre humanité. En ces temps de crise, cela est plus qu’une réalité, c’est un devoir et une nécessité. Nous pouvons avoir maintes occasions de nous en écarter en cédant à l’individualisme, aux replis sur soi, au complotisme, à la défiance, à la peur… bref au péché qui nous écarte de nos frères et sœurs et nous éloigne de Dieu. Rejetterons-nous nos responsabilités sur les autres ou accepterons nous d’œuvrer à l’amour qui se donne en en étant responsable ?

Qu’en ce temps de l’avent, la fête de l’Immaculée Conception, renouvelle en nous la grâce de la fidélité et du courage pour que nous soyons, comme Marie, entièrement ouverts à la Parole de de Dieu et à l’amour pour tous. Puissions-nous vivre pleinement responsables et pleinement humains, à la pleine stature de l’homme nouveau, à la pleine stature du Christ (Cf. Eph 4, 13)

P. Sylvain Brison