Sur les ailes de l’aurore

Méditation pour le saint jour de Pâques 2021

Rupnik
Abside de La Chapelle du collège Monserrat.
Barcelone

Les contraintes de la pandémie et les dispositions du couvre-feu ne nous ont pas empêchés de célébrer ensemble la Résurrection du Sauveur, mais elles nous ont conduits à vivre la vigile pascale non pas dans les profondeurs de la nuit, mais dans l’aurore frémissante du petit matin pascal. Étranges circonstances, mais si beau sentiment de se savoir complice de Marie-Madeleine qui se rend au tombeau de « grand matin » alors qu’il fait encore sombre (Cf. Jn 20, 1-18) . Dans la fraîcheur du jour qui commence à pointer, la brise porte le murmure de l’Esprit qui a saisi le corps sans vie de Jésus dans les tréfonds du tombeau. C’est ce même souffle qui emplit nos poumons pour chanter à pleine voix l’alléluia pascal. Peu à peu, alors que la longue méditation des Écritures égrainer les évènements du salut dans la pénombre de l’Église, le jour s’est levé, signe cosmique de la Résurrection du Sauveur. Sur les ailes de l’aurore, nous sommes envoyés dans le monde à la suite de Marie pour annoncer à tous que le Christ est vivant. Dans les versets non écrits de l’évangile de Jean, Marie court vers ses frères :

« Marie ne marche plus, elle court sur les ailes de l’aurore.
Ce chemin, qu’elle a fait tout à l’heure dans la lumière grise de l’aube, toute alourdie de chagrin, baigne maintenant dans la jeune lumière du matin.
La nuit, ses ombres et ses souffrances sont effacées.
Depuis deux jours et deux nuits, Marie a cru qu’elle allait mourir de douleur, que son cœur allait être broyé par la morsure du malheur, et voilà qu’au matin du troisième jour ce même cœur brûle d’une joie parfaite.
Il se consume d’un feu qui ne s’éteindra pas.
Sur son visage, les larmes ont la fraîcheur de la rosée.
C’est le premier matin du monde, et elle est la première femme.
Tout est neuf et désormais, rien ne sera plus comme avant.
Avec elle, le bonheur à jamais.
À la face du monde, Marie exulte d’allégresse :
“J’ai vu le Seigneur” (Jn 20,18) ! »
(Christine Pedotti, Jésus cet homme inconnu, p. 341)

Je forme aujourd’hui ce vœu comme une prière pour chacun de nous : que cette complicité de grâce avec Marie-Madeleine soit notre sentiment de chaque jour. Moi aussi, je veux courir avec elle sur les ailes de l’aurore pour vivre sans cesse la jubilation pascale. Cette allégresse n’est pas comme les joies ordinaires de notre vie quotidienne : elle n’a pas de temps, pas de limites, pas d’épuisement. Elle est toujours jeune, puissante, espiègle, douce et éternelle, car elle est l’ivresse de l’aurore d’un jour sans fin. Aujourd’hui le Seigneur fait toute chose nouvelle et nous plonge dans la source de sa vie. Puissions-nous, dans la grâce pascale, transcender toute peur, tout risque, toute folie, toute épreuve, toute souffrance pour accueillir celui qui nous fait passer des ténèbres à son admirable lumière. Car c’est lui, selon les versets prophétiques du psaume qui nous accompagne et nous saisit :

« Je prends les ailes de l’aurore
et me pose au-delà des mers :
même là, ta main me conduit,
ta main droite me saisit.

J’avais dit : “Les ténèbres m’écrasent !”
Mais la nuit devient lumière autour de moi.
Même la ténèbres pour toi n’est pas ténèbres,
et la nuit comme le jour est lumière ! »
Ps 138 (139), 9-12

Puisqu’aujourd’hui plus que jamais, l’aurore pascale étend ses ailes jusqu’aux confins de la terre, que toute bénédiction, toute guérison, tout apaisement et toute sanctification descende sur les hommes et les femmes de ce monde comme la rosée qui naît de cette aurore. Que l’allégresse du Ressuscité nous transporte à jamais dans la vie de Dieu et la vie du Monde, en faisant de nous de vrais témoins de son amour.

Le Christ est Ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
Christus resurrexit ! Resurrexit vere !
Χριστός Ανέστη ! Αληθώς Ανέστη !
“المسيح قام، حقا قام

P. Sylvain BRISON +
Dimanche 4 avril 2021