Dimanche 13 décembre 2020
Deuxième dimanche de l’Avent (B)
Confinement II – 45e jour

Arcabas,
Il leur ouvrait les écritures
Polyptyque des Pèlerins d’Emmaüs

Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas.

Qui peut affirmer sans l’ombre d’un doute qu’il connaît quelqu’un, y compris lui-même ? La vie, l’existence, l’humanité d’un homme ou d’une femme reste un mystère, au sens strict du terme : non pas quelque chose d’inconnaissable, mais dont la connaissance ne peut se faire que par révélation. En effet, nous ne nous connaissons les uns les autres que dans les interactions, le compagnonnage et la vie ensemble. Ainsi en va-t-il de toute existence humaine, ainsi en va-t-il de notre relation avec Dieu.

Dans l’évangile de Jean, cette réalité constitue le fil de la découverte du mystère du Christ. Ainsi l’appel des premiers disciples se résume à ces simples phrases : « Il leur dit : “Venez, et vous verrez.” Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 39). Il n’est donc pas surprenant qu’au début de ce même évangile, cette question domine l’ensemble du texte. Qui es-tu Jean le Baptiste ? Que dis-tu de toi-même ? Cette énigme est entretenue par la réponse du Baptiste qui n’est que figurative (« je suis la voix »), et par la prophétie qu’il nous livre : « Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » (Jn 1, 26). Au mystère de la geste de Jean succède le mystère de la venue du Messie. Ainsi se pose encore à nous cette question fondamentale : connaissons-nous celui qui se tient au milieu de nous, lui qui nous a dit « Et moi je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » (Mt 18, 20) ?

La réponse à l’énigme de suggérée par Jean-Baptiste, ne se trouvera que dans le long compagnonnage avec le Christ, pour ceux qui ont mangé et bu avec lui avant et après sa résurrection. Elle se dénoue encore pour nous aujourd’hui dans le compagnonnage avec le Christ, au milieu de nos frères et sœurs, en Église et dans le monde que Dieu a tant aimé. Il est vain de vouloir circonscrire le mystère de Dieu et du Christ dans le domaine des idées et de concepts et de le réduire à un savoir que l’on pourrait expliciter, même à l’infini. Toute bonne théologie est une théologie qui se vit au quotidien de l’amour partagé. Dès lors, l’exhortation du Baptiste nous invite à commencer par découvrir celui qui se tient au milieu de nous, lui qu’il nous désigne comme l’Agneau de Dieu. À plus forte raison aujourd’hui où les circonstances du temps nous obligent à l’isolement, à la retenue des gestes et des visites, à la prévention de la promiscuité, la nécessité du compagnonnage se fait jour, dans toutes ses dimensions. Il nous faut alors inventer, pour ces temps troublés, les mots et les pratiques pour découvrir et connaître ceux avec qui nous vivons.

Une dernière chose enfin. La réponse allégorique de Jean ne vient pas de lui, mais de la prophétie ancienne (Cf. Is 40, 3). C’est une prophétie qui le dépasse : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert » Dieu se plaît à jouer avec les mots pour révéler sa vérité. Jean est la voix, mais il n’est pas la Parole. Jésus, lui est la Parole vivante de Dieu qui vient dans le monde (« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » Jn 1,14). Or la voix ne sert à rien sans la Parole qu’elle porte, mais la Parole a besoin de la voix pour être entendue. Voix et Parole sont donc tellement liées l’une à l’autre, qu’il est souvent difficile de ne pas les confondre. C’est sans doute pour cela que Jean-Baptiste reste une énigme pour les gens qui le rencontre et le prenne pour le Messie. La voix rend alors témoignage à la parole, Jean rend témoignage à Jésus. Ainsi, si nous voulons, nous aussi, briser le silence de notre monde, il nous faut rendre témoignage à la Parole : c’est ainsi que nous nous ferons connaître comme fils de Dieu et frère du Christ. Encore une fois, dans les temps compliqués que nous vivons, cette exigence du témoignage à temps et contretemps reste d’une urgence absolue.

Le temps de l’Avent l’exacerbe, mais nous la rend aujourd’hui dans la douceur de la joie, car le Seigneur vient nous enseigner toute chose et se faire connaître de nous en vivant pour nous et avec nous : « Frères, soyez toujours dans la joie ! » (1 Th 5,16)