Mercredi 18 novembre 2020 –
13e anniversaire d’ordination presbytérale
Confinement II – 20e jour

Imposition des mains 
18 novembre 2007
Nice

Il y a treize ans j’étais allongé face contre terre dans la cathédrale Sainte-Réparate pour donner ma vie au Seigneur et me confier à la prière des saints et de l’Église. Devenir prêtre n’est ni un exploit ni un sacrifice : c’est un chemin de vie que seule la grâce de Dieu peut donner de suivre pas à pas. Mais, n’en est-il pas ainsi de toute vie chrétienne et de toute vocation à l’amour en ce monde ?

La tradition veut que, sur le faire-part d’ordination, l’impétrant inscrive une phrase biblique de son choix. Qu’il le veuille ou non, ce choix dit quelque chose de sa compréhension du ministère sous le regard de Dieu, et, peut-être aussi, quelque chose de ce qu’il aspire à vivre, toujours sous le regard de Dieu. Peut-être avais-je envie ou besoin de me démarquer des autres ? Toujours est-il que, pour ce choix, je délaissais les grandes phrases connues qui me semblaient devenir des slogans ou des teasers qui ne me convenaient pas. Au fil de ma lectio divina, j’affectionnais les versets de transitions, ces quelques phrases qui « connectent » les grands passages de l’évangile et auxquels nous ne prêtons pas suffisamment attention (souvent parce qu’ils ne sont pas retenus dans les lectures liturgiques). Or, j’en ai toujours eu la conviction, et souvent fais l’expérience : Dieu aime se glisser dans les interstices de nos prévisions pour les faire éclater de sa surprenante grâce, et se faire aussi petit qu’un grain de sable pour faire dérailler les mécanismes de nos ambitions humaines. Je retenais donc, en ce 18 novembre 2007, ces quelques mots de l’évangile de Luc qui relient le retour de mission des disciples et l’épisode de la multiplication des pains. Parce que les disciples ne reviennent pas vers Jésus seuls, mais avec la foule des hommes et des femmes qu’ils ont rencontrés, Jésus semble pris de court ; et l’évangéliste de résumer : « il leur fit bon accueil, il leur parlait du Règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin » (Lc 9, 11). C’est tout; et c’est déjà beaucoup. Tout est dit ici du ministère de Jésus, et, pour moi, du ministère de prêtre. Certains penseront qu’il n’est pas assez « sacramentellement centré » ; d’autres qu’il manque de ce panache qui fait la « beauté du sacerdoce » ; d’autre encore qu’il ne dit rien des paroles de feu de Jésus… Et pourtant, j’y vois le condensé d’une vie d’amour et de service des hommes que doit être le ministère presbytéral.

Voilà donc treize ans que, bon gré mal gré, j’essaye de vivre, avec la grâce de Dieu et l’aide des hommes, ce tout petit verset évangélique qui porte en lui toute la puissance de vie de la Parole. Les ministères se sont succédés, mais tous ont été un lieu important de vérification et de vivification évangélique. Et aujourd’hui, alors que le monde traverse cette importante crise sanitaire, même bien « à l’abri » dans un séminaire, il me semble que ces mots résonnent toujours d’une urgence extrême. Dans un monde troublé qui exacerbe les différences, mais associe les pairs, le défi de la communion dans la diversité est le plus nécessaire de tous. Dans la grande fraternité humaine (comme nous y invite le pape dans Fratelli tutti), comme dans l’Église, je veux que tous nous puissions nous recevoir et nous accueillir fraternellement. Dans un monde en perte de repères et en quête d’espérance, la recherche du Royaume de Dieu et de sa justice est un défi de chaque instant. Je veux que nous puissions entendre le Christ nous parler de son Royaume et que nous puissions, à notre tour, l’annoncer à ceux qui y aspirent, même sans en avoir pleinement conscience. Dans un monde blessé, où la violence succède aux catastrophes, la compassion, la miséricorde et l’amour sont les soins les plus nécessaires que nous pouvons donner et recevoir. Je veux vivre avec mes frères et sœurs cette vie évangélique de consolation et de guérison que le Christ nous offre.

Les défis et les occasions ne manquent pas. Je rends grâce à Dieu de m’avoir associé d’une manière si particulière au don de son Fils au monde. Qu’il me donne la force d’être fidèle au ministère d’amour qu’il me confie. Sa force se communique dans ces hommes et ces femmes que je rencontre et qui m’ouvrent au mystère de ce Dieu qui se donne par amour. Priez pour moi comme je prie pour vous et ensemble, construisons avec Dieu, le Royaume de son Fils.

P. Sylvain Brison