Le temps du carême ouvre un temps et un espace de cheminement vers la fête de la Pâque. Il est un chemin de conversion personnelle et communautaire; un temps de pèlerinage intérieur par le compagnonnage de celui qui le chemin, la vérité et la vie; un espace de rencontre avec ceux que Dieu appelle avec nous au salut: nos frères et sœurs. Tout carême comporte son lot de pénitences, de dépouillement, de sacrifice, de renoncement, de recentrage, de solitude volontaire… Mais, alors que nous souffrons et peinons encore sous la chape de la pandémie, comment pouvons-nous commencer ce temps si particulier cette année ? Ne sommes-nous pas, en fin de compte, depuis au moins une année dans un long carême imposé et dont le temps s’étire au point de sembler s’éterniser ? Le temps du carême est un temps de liberté ou il n’est pas ! Ce chemin vers Pâques nous le suivons librement ou nous devons y renoncer. Oui, ce temps du carême sera un temps fructueux si nous acceptons de le vivre sous l’élan de la grâce de Dieu, et non pas dans l’abdication aux conditions du temps. La qualité de notre carême ne se jouera pas dans la quantité et la puissance de nos efforts personnels, mais dans l’ouverture du cœur aux souffrances du monde, aux appels de nos frères et à la puissance de l’amour salvifique de Dieu. Seule la douceur de l’Esprit saint nous le permettra: nul doute que le carême que le Seigneur nous fera vivre sera à la hauteur de son amour pour nous et pour le monde.
Secrète fidélité
Sur l’évangile du mercredi des cendres (Mt 6, 1-6.16-18)
L’évangile du mercredi des Cendres est toujours le même : il nous rappelle les fondements du carême et de la conversion. L’enseignement de Jésus est rythmé par une sorte de monition : « ton Père qui voit dans le secret te le rendra ». L’enjeu de tout carême n’est-il pas, en fin de compte, de comprendre vraiment ce que signifie cette parole de Jésus ? En effet, une attention superficielle à ce propos pourrait nous faire croire que le Père est un scrutateur exigeant qui voit tout, qui sait tout, et à qui on ne peut rien cacher. Une telle appréhension résonne avec un étrange sentiment de culpabilité qui peut parasiter notre carême en focalisant notre regard sur nos propres efforts et ainsi sur notre faiblesse, car nous ne manquerons pas de négliger notre « effort de carême ». Mais, si le Père voit dans le secret, c’est, avant tout, parce qu’il est présent au plus intime de vies, quand la porte est fermée et que nous nous tenons devant lui en vérité, sans les atours et les détours de nos vies. Le regard du Seigneur n’est pas différent de celui du Christ : il est un regard de miséricorde. Le jeûne, la prière et l’aumône sont ainsi des pratiques qui nous aident à accueillir en vérité la présence de celui qui habite nos vies au nom de sa fidélité, même si elles sont imparfaites. L’œuvre de la grâce est de nous apprendre patiemment à vivre dans la présence de Dieu tous les jours de notre vie. Que ce carême soit pour chacun ce temps de conversion à Dieu !
P. Sylvain Brison
Publié dans Magnificat, février 2021
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