Dimanche 6 décembre 2020
Deuxième dimanche de l’avent
Confinement II – 38e jour
Prophètes de la consolation
Le temps de l’avent nous plonge dans l’attente et l’espérance d’un peuple qui trouve ses racines dans la nuit des temps. Le texte du prophète Isaïe que nous entendons aujourd’hui proclame l’urgence de notre temps, de tous les temps : « Consolez, consolez mon peuple — dit votre Dieu ». Paradoxalement, ce lointain échos résonne dramatiquement et contraste avec ces phrases trop prophétiques de l’écrivain Stig Dagerman :
« Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n’ai reçu en héritage ni dieu ni point fixe sur la terre d’où je puisse attirer l’attention d’un dieu : on ne m’a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l’athée. Je n’ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m’inspirent que le doute ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n’était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m’atteindrait moi-même, car je suis bien certain d’une chose : le besoin de consolation que connaît l’être humain est impossible à rassasier »
(Notre besoin de consolation est impossible à rassasier)
Ce besoin de consolation, le Christ est venu le combler en naissant parmi les hommes, en vivant leur vie, en les soulageant de leurs misères et de leur péché, en mourant par amour pour nous, en ressuscitant pour que nous ayons la vie. Le mystère chrétien ne proclame rien d’autre que cette consolation divine de l’homme. Et pourtant, nous attendons encore et toujours la consolation. Bien plus, nous pouvons avoir l’impression qu’elle tarde à venir et nous l’appelons de nos cris et de nos prières, particulièrement en ce moment où nos vies sont mises à mal. Mais comment la recevoir et la vivre ?
Dans cette recherche et cette attente, nous devons faire attention à ne pas nous égarer sur des chemins qui ne mènent nulle part. Car, au-delà de la privation de certaines libertés, le confinement a un effet néfaste, plus sournois et plus dangereux, pour nous vie spirituelle : le repli sur soi. La conjoncture actuelle déploie cette tentation pour diverses raisons. La peur de la maladie ou l’observance des règles sanitaires réduisent drastiquement nos interactions avec nos semblables quand elle ne le met pas sou l’ombre du soupçon. Les flots et flux d’informations contradictoires tendent à faire de chacun de nous des experts qui n’ont confiance qu’en leur propre jugement. Le manque de communautés nous conduit à nous concentrer sur le peu que nous avons, et peut nous faire imperceptibles et glisser sur les pentes du communautarisme. Le poids psychologique grandissant, les postures de crispent, les problèmes se dressent, les orgueils se gonflent, alors que les solutions semblent s’éloigner, que les renoncements se font de plus en plus difficiles, et que la vérité se dissipe dans les brumes des égos…
Dans ce désert de sens, une voix crie ce matin, venu du fond des âges :
« Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »
(Is 40, 3-5)
Cette voix, elle s’est incarnée dans la tonalité de Jean-Baptiste, à l’aube du salut. Retentit-elle encore aux oreilles de notre cœur ? Préparer le chemin du Seigneur en notre monde est plus urgent que jamais. Et le travail ne manque pas pour abaisser les montagnes de l’orgueil, combler les ravins de peur et de méfiance, rendre droit les chemins tortueux de l’égocentrisme humain. Le chemin de l’avent est un chemin de conversion où le Seigneur vient lui-même aplanir nos escarpements set combler nos vallées. La consolation n’est peut-être pas, en fin de compte, le but vers lequel nous marchons, mais la manière de marcher vers le but. Car pour accomplir ce travail titanesque de terrassier, nous n’avons qu’un seul outil — mais efficace — l’Évangile de l’amour. L’amour des autres avant tout ; l’amour de Dieu par-dessus tout. Et si nous commencions par vivre la consolation dans les petits gestes de la vie ordinaire avec les gens qui nous entourent. Le Seigneur saura nous la donner puisqu’il est déjà venu le vivre avec nous !
Finalement, c’est à nous qu’il revient de monter sur les hautes montagnes pour porter la bonne nouvelle au monde. Devenons aujourd’hui les Jean-Baptiste dont le monde a besoin ; devenons ces prophètes de la consolation de Dieu. Élevons la voix, ne craignons pas. Le Seigneur vient.
P. Sylvain Brison
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