Sylvain Brison, « Scoutisme et vie ecclésiale », Documents épiscopat 5 (2029)
Membres d’une fraternité mondiale de 60 millions de jeunes, les Scouts et Guides de France célèbrent leur centenaire. Inspirés par l’Évangile ils vivent le partage, le service et la fraternité dont le monde actuel a tant besoin. Ce Documents Épiscopat souhaite présenter la fécondité, l’actualité, la capacité d’adaptation et l’ancrage évangélique des Scouts et Guides de France au moment où ils fêtent leur anniversaire dans la joie et l’espérance. Dans ce cadre, j’ai commis une courte réflexion sur la dimension ecclésiale de la vie scoute
Scoutisme et vie ecclésiale
L’histoire du scoutisme en France est inséparable de celle de l’Église. S’il existe aujourd’hui de nombreux mouvements de scoutisme qui abordent la dimension spirituelle par d’autres traditions religieuses, l’inspiration évangélique de la méthode scoute demeure une réalité. Il ne faudrait pas cependant en rester là, car, l’origine chrétienne du scoutisme ne garantit pas en elle-même une vie authentiquement ecclésiale, de même que « croire en Dieu ne garantit pas de vivre selon sa volonté » (François, Fratelli tutti, n° 74.). Encore faut-il que la mise en œuvre de la méthode permette de vivre une vie chrétienne et donc ecclésiale. Je me propose donc dans ce court article de mettre en lumière les éléments structurants de la vie scoute qui répondent aux critères d’ecclésialité en mettant en valeur tant les fondements que les défis qu’ils représentent. Je choisirai parmi les fondamentaux du scoutisme (dans sa réalisation catholique) quatre points déterminants qui rejoignent les enjeux et des défis de la communauté ecclésiale pour aujourd’hui.
Précisons avant tout qu’il ne s’agit pas de concevoir le groupe scout comme une communauté ecclésiale autonome : la vie ecclésiale ne se réalise que dans la rencontre et l’interaction des groupes et des personnes qui la composent. Une trop grande autonomie conduirait inévitablement à un repli sur soi. C’est pourquoi les liens institutionnels sont aussi là pour garantir l’ouverture du mouvement à tous : à l’Église et au monde.
L’éducation intégrale comme chemin de vie chrétienne
Le scoutisme est avant tout un mouvement d’éducation. C’est là son origine et sa finalité : permettre le développement et l’épanouissement des jeunes par l’autoéducation et l’action. En ce sens, le scoutisme est un complément d’éducation qui ne saurait ni se substituer aux autres lieux (à commencer par la famille), ni à les ignorer dans sa pédagogie. Il propose donc aux jeunes qui en vivent de s’inscrire dans une démarche de progression qui, si elle implique une sortie de soi, implique en même temps des démarches de conversion. À ce titre la vie d’équipe et la vie collective relèvent le défi de recevoir son existence au sein d’un peuple qui marche vers le Royaume de Dieu. En prenant en compte le développement intégral de la personne humaine, le scoutisme participe à sa manière de la mission de l’Église dans la croissance humaine et spirituelle de ses membres.
La coresponsabilité et l’expression de l’un et l’autre sacerdoce
Ainsi, le rôle des équipes, particulièrement des chefs, impose une collaboration et une coopération qui se fondent sur une coresponsabilité. La nomination de l’aumônier rappelle la dimension ecclésiale du mouvement qui ne choisit pas directement son pasteur, mais le reçoit de l’Église. Ainsi, chez Scouts et Guides de France, l’aumônier est un des garants de l’ecclésialité de par sa fonction et son ministère ecclésial. De plus, dans la mesure où l’aumônier participe à la vie du mouvement au même niveau que les autres membres de l’équipe (il est un membre spécifique, mais un parmi les autres), il se joue une coresponsabilité différenciée qui peut faire valoir le sens et les charismes du sacerdoce ministériel et du sacerdoce commun des baptisés. Cette collaboration spécifique dans le cadre du scoutisme fournit de précieuses expériences pour lutter contre les modèles cléricalistes qui peuvent parasiter l’Église.
Le jeu des conseils et la synodalité
Dans un sens similaire, la méthode scoute met en œuvre une articulation de « conseils » à différents niveaux qui rend compte de la participation et de la responsabilité de tous à la vie du groupe. Une attention particulière doit y être apportée afin que ce « jeu des conseils » ne soit pas une simple caution démocratique, mais organise une dimension vraiment synodale de la communauté. Le « marcher ensemble » est propre à la nature de l’Église. La vie dans le scoutisme peut-être un moyen de former des jeunes à prendre une part active et responsable à la vie de la communauté où ce n’est pas d’abord l’avis majoritaire qui l’emporte, mais la visée commune, pour le bien de tous, dans l’attention à chacun, sous l’action de l’Esprit Saint.
L’ouverture au monde et la participation à la charge pastorale de l’Église
Enfin, il me semble qu’un dernier point mérite d’être abordé ici, en ouverture sur les nombreux autres qui pourraient être relevés. La mission confiée par le Christ à son Église est de guider l’humanité vers le Royaume de Dieu. Cette responsabilité proprement « pastorale » est le cadre dans lequel s’inscrivent toutes les initiatives et les actions des membres de l’Église. L’ouverture d’un mouvement catholique de scoutisme à tous, quelle que soient son origine, est la garantie de l’exercice de cette mission ecclésiale dans la mesure où elle permet à chacun de vivre l’Évangile et de faire ses propres pas, à son rythme, au milieu de ses frères et sœurs qui travaillent à la construction d’un monde meilleur et à la venue du Règne de paix.
Sylvain Brison
Theologicum –
Institut catholique de Paris
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