Ceux qui n’ont pas raison
Dans Célébration hassidique, Elie Wiesel transmet ce qu’il a reçu de son héritage à travers une série de portraits et “d’histoire juives” portés par la tradition orale. Dans cette “parabole”, le Messie vient au secours d’un jeune homme qui n’a rien pour lui, ouvrant la voie à une compréhension miséricordieuse du salut qui dépasse la simple question du péché. Une belle histoire pour nourrir notre vie spirituelle.
Sylvain Brison
Marc Chagall,
Le sacrifice d’Isaac (détail),
Musée du Message biblique
Nice
Un jeune adepte du grand Maguid de Mezeritch épousa la fille d’un anti-hassid virulent qui le força à choisir entre sa famille et son Rabbi. Le gendre dut juger qu’il ne retournerait plus à Mezeritch. Mais au bout de quelques mois, quelques années peut-être, malade de nostalgie, il succomba à son désir ; il alla retrouver ses compagnons et leur Maître. A son retour, le beau-père l’emmena devant le rabbin local qui, ayant consulté le code et les ouvrages appropriés prononça son jugement : le beau-père avait raison, le gendre ayant renié son vœu, devait divorcer sur le champ. Le jeune hassid, résigné, se retrouva du jour au lendemain dans la rue. Sans moyens, sans appuis, sans rien. Inconsolé, refusant toute nourriture, traînant d’asile en asile, il mourut peu après.
Eh bien lorsque le Messie viendra, le jeune hassid intentera un procès à son beau-père et au rabbin local, coupables de sa mort prématurée. Le premier dira : « j’ai obéi au rabbin ». Le rabbin dira : « j’ai obéi à la Loi ». Et le Messie dira : « le beau-père a raison, le rabbin a raison et la Loi a ses raisons ». Il embrassera alors le jeune plaignant et lui dira : « mais moi, qu’ai-je donc à voir avec eux ? Moi, je suis venu pour ceux qui n’ont pas raison ».
Elie Wiesel,
Célébration hassidique,
Le Point-Seuil, p. 166
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