L’effusion de la Miséricorde
« Où donc notre fragilité peut-elle trouver repos et sécurité sinon dans les plaies du Sauveur ? Je m’y sens d’autant plus protégé que son salut est plus puissant. L’univers chancelle, le corps pèse de tout son poids, le diable tend ses pièges : je ne tombe pas, car je suis campé sur un roc solide. J’ai commis quelque grave péché : ma conscience se trouble, mais elle ne perd pas courage, puisque je me souviens des plaies du Seigneur, qui a été transpercé à cause de mes fautes. Rien n’est à ce point voué à la mort que la mort du Christ ne puisse le libérer. Dès que je pense à cette médecine si forte et efficace, la pire des maladies ne m’effraie plus. Il se trompait donc, celui qui a dit : mon péché est trop grand pour que j’en obtienne pardon. […] Pour moi, ce qui me manque par ma faute, je le tire hardiment des entrailles du Seigneur, car la miséricorde y abonde, et elles sont percées d’assez de plaies pour que l’effusion se produise. Ils ont percé ses mains, ses pieds, et d’un coup de lance son côté. Par ces trous béants, je puis goûter le miel de ce roc et l’huile qui coule de la pierre très dure, c’est-à-dire goûter et voir combien le Seigneur est bon. Il formait des pensées de paix et je ne le savais pas. […] Mais le clou qui pénètre en lui est devenu pour moi une clef qui m’ouvre le mystère de ses desseins. Comment ne pas voir à travers ces ouvertures ? Les clous et les plaies crient que vraiment, en la personne du Christ, Dieu se réconcilie le monde. Le fer a transpercé son être et touché son cœur afin qu’il n’ignore plus comment compatir à mes faiblesses. Le secret de son cœur paraît à nu dans les plaies de son corps ; on voit à découvert le grand mystère de sa bonté, cette miséricordieuse tendresse de notre Dieu, Soleil levant qui nous a visités d’en haut. Et comment cette tendresse ne serait-elle pas manifeste dans ses plaies ? »
Saint Bernard de Clairvaux
Homélie sur le Cantique des cantiques
61, 3-5
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